Billets d' humeur
Coucou, Haïku retrouvé... Haïku donné! Vous vous lancez?
Sac en vrac -
Nerveusement je farfouille
sans trouver
Pas de salade -
Plutôt mourir d'amour
Rosalie lit
Assise sur un nuage
La Terre tourne en rond
Un ange passe
Glissades -
Sur le cul j'entends rire
Miroir enfantin
Odeurs dévorées
Le nez plus grand que le cœur
osons légèreté
Tic tac tic tac tic
Nonstop le temps
Dit la vie chien qui court
Océan claque -
sur un rocher, un homme regarde
le continent en face
Coucou du jour, bonjour
Ah si j’étais peintre !
Sa fleur bleue lui donnerait des yeux que seule la violette ne saurait lui envier. Elle serait en premier plan et un peu haut perchée. A droite du tableau et star de ce jardin de curé.
Le corps maigre et piquant de l’artichaut, le côté « chardon » qu’il doit à sa famille et qu’il ne peut renier, compte une infinie variété de verts plus clairs que ceux de son père. Désespoir du peintre qui choisit l’aquarelle pour les confondre un peu.
Le long d’un vieux grillage courent des capucines pour poivrer le décor et donner quelques touches de jaune, d’orange et de rouge, enfin des couleurs vives. Elles se disputent le terrain avec des fleurs de liserons blanches et bleues. Quelques orties maigres, quelques pousses de menthe pour parfumer la toile donnent encore aux verts la place dominante et dans tant de nuances que le malheureux peintre doit s’évertuer à rendre au regard qui s’y perd. Un jardin de curé n’a pas la prétention d’être très ordonné.
Grâce à Dieu ou à Diable (on ne sait qui vanter) une touffe de sauge aux feuilles saupoudrées comme d’un duvet blanchâtre (peindre c’est tout donner) rappelle de ses fleurs bleues la star de notre toile, à droite et haut perchée.
Il y a du vent, pour plaire à ce Van Gogh à l’oreille arrachée. Mais seul l’artichaut résiste à ce frisson. Il peut bien être maigre sans que pour autant ses membres décharnés n’aient la rigidité qui sied à sa hauteur.
On ne voit pas le ciel mais on se sait plein sud, un jour ensoleillé. La lumière en atteste. Ce sera suffisant.
Non, pas de ciel. En toile de fond, le vieux mur d’une grange. Une treille de vigne le traverse en tous sens et bouillie bordelaise a teint comme un ciel bleu les pierres bourdonnantes des abeilles, des frelons, des guêpes qui s’affairent. Quelques grappes d’un raisin bien trop mûr aux couleurs emmiellées offrent à l’aquarelle toute sa gourmandise.
Une buse, peut-être, à gauche du tableau, s’est posée un moment sur un pauvre piquet réduit à l’inutilité.
Je ne suis pas peintre, mais tant pis, je sors mes pinceaux. Seule l’intention compte.
J'ai relu aujourd'hui cette lettre d'amour de Miller à Nin, cadeau du jour, elle est si belle!
14 août 1932
[Anaïs]
Ne compte plus me trouver sain d'esprit. Finissons-en avec la raison. Ce fut un mariage à Louveciennes, tu ne peux le nier. Je suis reparti avec des morceaux de toi collés sur ma peau ; je marche, je nage dans un océan de sang, de ton sang d'Andalouse, distillé et venimeux. Tout ce que je fais, ce que je dis, ce que je pense tourne autour de ce mariage. Je t'ai vue en maîtresse de maison, une Mauresque au visage épais, une négresse au corps blanc, des yeux sur tout le corps - femme, femme, femme. Je ne vois pas comment je pourrais continuer à vivre loin de toi - ces séparations sont désormais la mort. Qu'as-tu éprouvé lorsque Hugo est rentré ? Etais-je encore là ? Je ne peux pas t'imaginer te comportant avec lui comme tu l'as fait avec moi. Les jambes serrées. Fragilité. Doux consentement du traître. Docilité d'oiseau. Avec moi tu es devenue femme. J'en fus presque terrifié. Tu n'as pas trente ans - tu as mille ans.
Me voici de retour et la passion couve toujours, fumante comme du vin chaud. Non plus la passion de la chair, mais une faim de toi, une faim dévorante. Dans les journaux, je lis les articles sur les meurtres et les suicides et je les comprends parfaitement. Je me sens meurtrier, suicidaire. J'ai comme l'impression que c'est une honte de ne rien faire, de se contenter de passer le temps, de le prendre avec philosophie, d'être raisonnable. Où est le temps où les hommes se battaient, tuaient, mouraient pour un gant, pour un regard, etc. ? (Quelqu'un est en train de jouer cet air affreux de Madame Butterfly - « Un jour il viendra » !)
Je t'entends encore chanter dans la cuisine - de ta voix légère, comme celle des Noirs, tu chantes une sorte de litanie cubaine monotone et sans harmonie. Je sais que tu es heureuse dans la cuisine et que le plat que tu prépares est le meilleur que nous ayons mangé ensemble. Je sais que tu t'es souvent brûlée la peau sans jamais te plaindre. J'éprouve la plus grande joie et la plus grande paix à être assis dans la salle à manger, tandis que tu t'agites autour de moi, dans ta robe digne de la déesse Indra, constellée de mille yeux.
Anaïs, je croyais t'aimer, avant ; ce n'était rien à côté de la certitude que j'en ai aujourd'hui. Etait-ce si merveilleux parce que c'était court et volé à la vie ? Nous jouions-nous la comédie l'un à l'autre, l'un pour l'autre ? Etais-je moins « moi », ou davantage « moi » ? Etais-tu moins ou plus « toi » ? Est-ce folie que de croire que ça pourrait continuer ? Quand et où commencerait la grisaille ? Je t'étudie tellement, afin de découvrir d'éventuels défauts, des points faibles, des zones dangereuses. Je n'en trouve pas - pas les moindres. Cela veut dire que je suis amoureux, aveugle, aveugle, aveugle. Etre aveugle à jamais. […]
Je sais que maintenant tu as les yeux grands ouverts. Il y a des choses auxquelles tu ne croiras jamais plus, des gestes que tu ne referas plus, des chagrins, des doutes que tu ne connaîtras plus. Blanche ferveur presque criminelle dans ta tendresse et dans ta cruauté. Pas de remords ni de vengeance, pas de chagrin ni de culpabilité. Seulement vivre, sans rien pour te sauvegarder de l'abîme si ce n'est un fol espoir, une joie à laquelle tu as goûté et que tu peux retrouver à volonté. […]
La vie et la littérature mêlées, l'amour comme dynamo, toi avec ton âme de caméléon, m'offrant mille sortes d'amour, toujours là, solide, quelle que soit la tempête que nous traversons, nous sentant partout chez nous. Poursuivant, chaque matin, la tâche là où nous l'avions laissée. Résurrection sur résurrection. Toi, prenant de plus en plus d'assurance et menant la vie riche que tu désires ; et plus tu prends de l'assurance, plus que tu me veux, plus tu as besoin de moi. Ta voix devient plus rauque, plus profonde, tes yeux plus noirs, ton sang plus épais, ton corps plus plein. Une servilité voluptueuse, une nécessité tyrannique. Plus cruelle que jamais - consciemment, délibérément cruelle. Le plaisir sans fin de l'expérience.
H. V. M.
BESOIN DE DOUCEUR
Alors abandonne pour un moment le roman commencé et écris des "Haïkus", tous à l'honneur de l'artichaut... salutaire! Je vous recommande de vous y lancer... Vous rêvassez un moment d'une image saisonnière... et vous ne transgressez pas l'exigence du genre : 3 vers irréguliers : 5 syllabes, 7, puis 5... Pas facile... c'est souvent 6 ou 8 qui nous viennent spontanément! Sympa, pas prise de tête... Il suffit de compter!
HAïKU
Art et artichaut
Peuvent-ils se rencontrer ?
Oui dit l’art si chaud.
Lézard en juillet
Peut sur artichaut courir
Lézarder s’il veut.
Piquant et poilu
Si fleur bleue tarde à venir
Violet je te mange.
Astringence cru,
Moelleux cuit à la vapeur,
Ton cœur je savoure.
Le cœur d’artichaut
Sait manier marguerite
Elle lui dit oui.
Cardon, chardon bleu,
Artichaut dès septembre
Vole au vent léger.
Mère-grand en mangeait
Le grand-père le boudait
Et chat s’étonnait.
Comme un livre ouvert
Chaque feuille suçotée
Suit la précédente.
Si tu es pressée
Trop gourmande pour attendre
Cœur mange en premier.
Ah ! Une alternative.
Poils arrachés jusqu’au cœur ?
Cœur goûté à poil ?
J’aime trop les fleurs
Pour ne pas les déguster
L’artichaut le sait.
Toujours capucine,
Dans l’assiette accompagne
Le cœur d’artichaut.
Artichaut froid, chaud, Articho, artichoi-chaud, archi dur haïku !