marie-christine-ou-l-ecriture-sensitive

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Miroir sans tain

Sans titre 1.jpgLui, c'est le roman de la sincérité, le premier... Alors bien sûr, il a tous les ingrédients d'un premier : La toile de fond autobiographique, oui Chien et la Névada ont été mes confidents pendant toute une vie de travail! Oui, dans la profusion des personnages mes amis se sont reconnus... Mais à ma décharge, pas un brin de pathos m'a-t-on dit dans ce road Movie où Agathe est entraînée! L'histoire est une fiction qui ne ressemble en rien à mon parcours! On retrouve dans ce roman le printemps 2007, pas anodin pour moi! Le printemps 2007 c'est la mémoire d' une émotion à pattes, vous lirez ses saveurs, ses odeurs, ses fleurettes sur le Causse! Vous lirez son actu (la campagne de Sarko revue et corrigée par une bande de joyeux drilles, les films à l'affiche dont "Volem rien foutre al païs" qui y a la part belle ; la mort de Lucie Aubrac qui questionne et renvoie aux souvenirs)... Et dans toute cette profusion 2 intrigues en puzzle... Une élève d'Agathe qui mystérieusement disparaît et Agathe entraînée dans 4 fêtes où seul le fantôme de sa mère garde le contrôle! Dans ce roman nos sens se réveillent : On y touche, on y frôle, on y voit, on y sent, ça vibre à en rire et pleurer... Je vous donnerai des extraits pour vous donner l'envie de vous perdre un peu dans des plongeons sans fin qui ramènent Agathe au port! N'hésitez pas à me contacter pour commander le livre (il a quitté les librairies après la liquidation de son éditeur, je  vends les exemplaires... qui sans moi auraient été broyés!!! Trop triste quand même!

Bonne journée!

Marie


28/10/2014
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MARIE

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Sans titre 3.jpg

 

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23/10/2014
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Coucou, Haïku retrouvé... Haïku donné! Vous vous lancez?

Sac en vrac -
Nerveusement je farfouille
sans trouver

 

Pas de salade -
Plutôt mourir d'amour
Rosalie lit

 

Assise sur un nuage
La Terre tourne en rond
Un ange passe

 

Glissades -
Sur le cul j'entends rire
Miroir enfantin

 

Odeurs dévorées
Le nez plus grand que le cœur
osons légèreté

 

Tic tac tic tac tic
Nonstop le temps
Dit la vie chien qui court

 

Océan claque -
sur un rocher, un homme regarde
le continent en face


15/04/2015
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Pour une histoire encore : Un conte

Histoire de l’homme au cœur d’artichaut.

 

 

 

Jean compte tant d’histoires d’amour que trois rayonnages d’une bibliothèque ne suffiraient pas pour répertorier ses conquêtes. Il n’en est pas fier, voire plutôt malheureux, car il est toujours sincère quand il tombe en amour, une expression qui n’est pas désuète pour décrire au mieux les violents coups de foudre dont il est frappé à rythme coutumier.

 

Un dimanche printanier dans le bois de Vincennes, en plein footing et en transpiration comme cette activité l’exige, il tombe à genoux devant une gracieuse joggeuse au charme irrésistible à cause d’une petite couette subtilement haut perchée. Il s’enflamme, se déclare sans la moindre retenue. Il ment si nécessaire.  Il jure ses grands dieux de la pureté  des sentiments qui l’assaillent et oublie les graviers qui meurtrissent les genoux, tous les sens aux aguets, l’olfactif flatté par les odeurs corporelles  de la belle. Son rythme cardiaque s’emballe. C’en est fait : Jean est amoureux et rien ne retiendra le cheval fougueux ; la belle devra céder. La force de l’amour n’est que sa divine faiblesse. Dès le lendemain, Jean déclarera sa flamme avec autant d’amour à une autre, croisée dans le métro, incapable qu’il est de résister à ce minois sérieux ou à ces yeux rieurs protégés par de trop belles lunettes.

 

Alors, bien sûr, la confusion règne en maître dans son emploi du temps. Alors, bien sûr, les scènes de ses conquêtes ponctuent son quotidien ce qui le stresse et l’oblige très souvent à se replier dans le dédain. Sa vie est un naufrage dont il est le témoin.

 

A l’aube de ses trente-trois ans, Jean sent très bien que pour avoir été, il faut être. Mais rien n’y fait : le même scénario tant de fois répété réjouit ses journées et déconstruit sa vie affective. L’inconscient détricote chaque jour ce que la conscience rêve de concrétiser. Et Jean oscille entre sa joie de vivre et son impossibilité d’être. De palpitations en palpitations, son cœur flanche. Il le sent ; il le sait. Il ne peut rien y faire. Nul thérapeute, même le plus haut perché, n’entend les hululements de son désespoir. Lui-même devient sourd à chaque fois que la foudre embrase son déséquilibre et le fait effeuiller toutes les femmes de la Terre à portée du cœur.  Mais Jean est loin d’imaginer le « pot aux roses » de son mal de vivre, si l’on accepte l’expression florale qui colle à sa réalité.

 

Un matin d’été où l’on se réveille en nage parce que le thermomètre refuse de descendre la nuit, un matin de canicule donc, Jean se réveille en eau comme tout un chacun mais s’étonne de la sécheresse étonnante de ses aisselles qu’il a très poilues et dégoulinantes de sueur jusqu’à auréoler ses chemises (à son grand désespoir) quand il se déclare aux quatre coins de Paris. Il ne sera pas le seul à s’étonner de cet épiphénomène qui lui vaudra la « une des journaux internationaux » dans les 48 heures à venir. Jean prête encore sa fatigue à la chaleur accablante et se dirige comme un automate vers la douche salvatrice qui le vivifiera. De l’eau froide et à forte pression, quoi de mieux. Le visage offert au pommeau et les yeux qui se ferment dans le ruissèlement.  L’eau froide qui surprend et apaise dans le même temps. Jean sourit et se masse les yeux. Il tâtonne à l’aveugle pour saisir le gel douche qu’il sait à sa portée. Il le trouve. Il aime la douceur de la noix de gel aux odeurs de miel, promesse de caresses d’une journée naissante. Il se sent ragaillardi, Jean. Qui prévoit la chute du pot de fleurs qui tombera sur sa tête ? Jean se savonne et butte sur le prénom de celle qui l’attend au creux de son lit. Il l’appellera « mon cœur », pour ne pas faire d’impair. Il ne ment pas Jean, elles sont toutes « son cœur ». Ses mains d’homme savonnent son corps d’homme avec satisfaction, comme le font tous les hommes.

 

Mais quand il lève le bras gauche, il découvre avec stupéfaction d’étonnantes radicelles, pleines de sève à croire, au milieu de poils humains, et toutes sorties des pores de sa peau victime d’une surprenante sécheresse. A peine a-t-il le temps de lever le bras droit pour constater de visu l’étrange plantation  qu’une subite syncope le prive de conscience. Jean s’effondre sur les galets polis de sa douche « design » dans un fracas qui sort du lit sa conquête, paniquée par la pâleur de son amant quand elle le découvre inerte. Il ne lui répond pas et gît sous la douche froide qui glace à son tour l’invitée démunie.

 

Quand Jean se réveille de ce « malaise vagal » dont le terme semble être à la mode, il a un masque d’oxygène sur le nez. Il est déjà branché et il peut constater que ses radicelles d’aisselles ont bien profité. Eau froide et sueur ont boosté les racines, inutile d’être jardinier pour comprendre les besoins d’un potager pour croître et empirer. L’équipe médicale après s’être pincée pour croire et accepter ce qu’elle a sous le nez questionne dans le désordre le patient allongé dans le SAMU qui fonce, toute sirène hurlante vers l’hôpital. L’urgentiste perçoit vaguement quelques craquements sourds en guise de battements cardiaques. Un vulcanologue qui ausculterait Jean  serait sur l’heure moins dépité que l’urgentiste médusé qui silencieux renvoie des signes de tête négatifs aux pompiers. Le cœur ne bat plus et pourtant Jean vit ce qui dessine des points d’interrogations dans les regards perdus du médecin. Ce pourrait-il qu’un homme se métamorphose en terre meuble de potager sans d’autres symptômes apparents qu’une perte de conscience de quelques instants et la croissance régulière de racines qui envahissent à présent ses bras ? Sans être pessimiste sur l’époque étonnante que nous traversons, les mutations observées chez Jean le temps de son transport défient toute théorie de l’évolution et l’urgentiste se prend à rêver d’un sas de protection. Il prend peur et ne trouve d’autres choses à dire qu’un « plus vite, plus vite… chauffeur » qui en dit long sur le self contrôle mis à mal par la situation. Un mutant ? Un petit gris ? Une caméra cachée ? Un cauchemar ? L’urgentiste cède à la panique et il ne pense plus : « Plus vite, chauffeur, plus vite… » et de grands yeux ronds qui ne rassurent guère la victime qui se sent déjà mieux et propose au médecin de couper les racines indolores mais ô combien encombrantes. La colère en retour de sa proposition sans la moindre tentative de rassurance. Dans chaque victime un coupable sommeille et Jean opère un retrait stratégique. Il décide de fermer les yeux et d’attendre prudemment de comprendre à quelle sauce il sera mangé quand la sirène enfin cessera de l’alarmer.

 

Si encore les racines sortaient par « le trou de balle » par la bouche ou par le nez on pourrait se pencher sur l’hypothèse de l’ingestion d’une plante parasite et passer au crible de scanners en tous genres le patient endormi pour le coup pour échapper aux regards suspicieux de l’équipe de blouses blanches.

 

Mais où donc se nicherait une plante dont les racines ont trouvé leur chemin pour ressortir sous les aisselles d’un homme dont le cœur ne bat plus et qui vit encore ? La question, pour peu médicale qu’elle soit, interpelle le professeur Grandjart, ancien interne des hôpitaux de Paris, conscient des répercussions conséquentes de son diagnostic sur son plan de carrière. Dieu lui a confié Jean pour qu’il guérisse et faire de Grandjart un professeur de réputation mondiale. Les oracles ont parlé, Grandjart veut triompher.

 

Il vérifiera tout et Jean devra supporter toutes les auscultations possibles et imaginaires que la science a inventées ! Il faudra avaler des caméras, passer du scanner à l’IRM et être échographié sous toutes les coutures. Et Jean devient l’objet d’une première médicale.

 

Quand Grandjart, le soir même, constate, déstabilisé jusqu’au vertige, ce qu’il convient d’admettre comme une réalité, il lance un appel international à toutes les facultés du monde. Un homme, présentement hospitalisé, âgé de 33 ans, vit avec un artichaut en bonne place et en guise de cœur ! L’émotion est générale. Les journalistes sont sur le pied de guerre. Les plus grands « pontes » du Monde entier établissent le contact, avec la réticence raisonnable de qui ne redoute rien de plus qu’une supercherie pour ternir une reconnaissance mondiale.

 

Ce sont les médecins cubains qui ont réagi les premiers. A Cuba serait présentement hospitalisée une femme vivante, au cœur de pierre, celle-ci.  La faculté cubaine avait choisi de taire cette réalité pour ne pas aiguiser  les mensonges outranciers répandus par l’Occident sur la réalité de l’île où les prouesses médicales défient le vieux monde sans que le vieux monde en parle.

 

Ce sont les américains, les californiens pour être plus précise encore, qui, en moins de 2 heures, ont décroché le marché. Quand on est le maître du Monde, le monde doit plier ! Tout au plus remercie-t-on Grandjart d’avoir eu le courage de prévenir le Monde d’une singularité à ce point sidérante qu’elle mérite les soins des facultés les plus riches et donc les plus pointues du Monde !

 

Un avion médicalisé est immédiatement affrété pour le transport en sécurité et outre-Atlantique de Jean. Un second avion médicalisé décolle de Cuba dans le même temps mais avec moins de publicité. Les cardiologues révisent ; les chirurgiens s’entraînent… Il faut disposer au plus vite de 2 cœurs avant que le soufflé retombe.

 

Dans la chambre d’hôpital, mixte pour la circonstance, un homme et une femme se rencontrent. Ils ont la même histoire. Ils attendent le même destin.

La femme au cœur de pierre voudrait un cœur en or ! Jean lui dit qu’à choisir, elle devrait en choisir un en diamant. Ils rient de bon cœur. A deux, on est plus forts.

 

─  Le diamant est éternel ! L’éternité vous tente ?

 

─  C’est vrai… Mais d’un autre côté, avec un cœur en or, le chirurgien pourrait y graver quelque chose !

 

─  C’est vrai… En tout état de cause, prions qu’on vous préserve votre beauté minérale… Elle fait chavirer mon cœur végétal ! Un cœur d’artichaut quand même… quand j’y pense, que va dire ma mère ?

 

─  Qu’elle songeait à l’amour quand elle vous a conçu… Si la mienne vivait, je n’ose pas  imaginer à quoi elle pensait pour donner à sa fille un cœur de pierre.

 

─  Cœur de bœuf… C’est le nom d’une tomate, non ? Ça me dirait bien.

 

L’infirmière, avec la bouche en cœur, entre dans la chambre.

 

─   Allons les amoureux, c’est l’heure de dormir ! Avalez ce somnifère et ne pensez plus à rien !

 

Longue vie aux heureux transplantés qui ne se quitteront plus, le cœur sur la main.


19/03/2015
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Y'ES-TU LA BERANE ?

Ce texte-ci paraîtra dans le prochain ouvrage collectif consacré aux figures du Périgord....

 

Y’es-tu la Bérane ?

 

L’œil de l’étranger se noie dans le folklore. Il ne voit à Cambrai que  bêtises et à Montmorillon mange des macarons. On lui dit « Périgord », il répond « bonne table », ce en quoi il a raison. Pour engager la conversation il demande à l’habitant s’il habite « Sarlat » et de l’air averti de celui qui sait se renseigne du cours de la truffe, de la cuisson traditionnelle du foie et suppute que les cèpes envahissent les bois. Et l’autochtone a tôt fait de se voir installé au coin de son cantou, muni du buffadou, les mains noires de brou, calleuses s’il vous plaît et pelant la châtaigne en buvant le bourru, le temps pour « Jacquou le croquant » de finir la mique froide au bout d’une table en bois... L’image n’est ni fausse ni vraie, pas plus épaisse qu’une crêpe et  classée dans nos têtes comme l’une d’Epinal et personne de ne jamais consentir à échanger sa coiffe et ses sabots bretons pour ceux des auvergnats.

L’œil de l’apatride voit un petit chez soi chez les autres. Ses racines aériennes lui donnent cet espoir de glaner quelque chose dans l’air du temps qui passe, s’approprier un peu, le temps d’un feu de bois, la figure de l’un ou de l’autre qui pour être régionale n’en est pas moins humaine donc internationale.

Si l’objectif « grand angle » fait perdre un peu le Nord quand la vision humaine ignore ses images, il en est un autre qui nous ravit toujours dans son indiscrétion à fixer le détail : le « zoom ». Il donne vie à tous les points du globe. Il rassure son monde dans l’univers fini où trouver la figure pittoresque qui saurait nous distraire relève du défi comme retrouver l’épingle dans la meule de foin où elle s’est égarée.  Zoomons donc sur le Périgord notre soif du détail qui donne ses couleurs à la nature humaine. Des figures notoires apparaissent en pagaille.

Zoomons « Bergerac », le nez de Cyrano retrouve la parole pour de belles tirades. Zoomons « Périgueux », la cathédrale Saint Front envahit la boîte noire d’une mémoire encore et bien plus incertaine où un évêque fut condamné au port des cheveux longs pour avoir renoncé au monde. Le beau, le noble s’entend. Saint Pierre (le zoom peut sans problème s’accommoder du temps), informé de sa vertu après bien des galères, force notre Saint Front à accepter l’épiscopat  de sa patrie (le Périgord zoomé). Prêtre Georges, trop souvent oublié, meurt en route en revenant de Rome et Saint Pierre vigilant et zoomant tout son aise, lui remet le bâton qui ressuscite les morts…. Dans un coin de verdure, il s’en passe des choses ! A Nioialus, notre évêque eut raison des serpents qui infestaient les lieux. A moins que les légendes confondues ne troublent les images réveillées et que Saint Front fit partie de la « tribu de Juda » et qu’il fut converti directement par Christ ? Nous laisserons volontiers les spécialistes locaux régionaux et internationaux en débattre des heures. L’heureux photographe fixe l’objectif pour les distraire un peu. La musique des cloches, du vent raconte cette légende et fait vibrer les âmes. Elle couvre les voix de nos historiens, de nos conférenciers, qui, la coupe de Champagne à la main et faute de calice, comparent les vérités avérées dans les textes. L’icône et le savoir s’avèrent toujours profanes. L’été, la cathédrale s’embrase avec « son et lumières » et du feu… et du son… on voit… si l’on tend bien l’oreille, surgir le « dragon » qui flatte nos plus candides peurs et nos rêves de gloire. L’évêque, le bâton à la main, est notre protecteur.

Zoomons bien plus encore. Nous voici au village. Aujourd’hui, c’est « marché » et les fraises y abondent. Faute de discernement, on se ferait avoir, achèterions les grosses sans connaître les nombreux traitements qui leur donnent leur couleur et leur vivacité. Zoomons encore un peu, sur le banc d’une « bonne vieille ».  Elle montre avec fierté l’article du journal. Elle est la seule ici à n’utiliser que purin de prêle, de grande consoude, d’ortie pour cultiver ses fraises. Elle devient le héros du client averti. Elle confie dans un murmure : «Il leur faudrait la « Bérane » pour arrêter les conneries. » La Bérane ? Qui es-tu la Bérane ? Et de quel chapeau et pour quelle mémoire, sors-tu ici maintenant, pour régler les problèmes ?

Zoomons, zoomons encore pour coloriser un peu cette vieille figure qui, si périgordine était, mériterait l’attention de celui qui l’ignore. Questionnons, enquêtons et le verre à la main, pour s’épargner la poussière de vieux grimoires, recommandons aux friands des mémoires locales cette figure-là qui semble aux oubliettes et toute empoussiérée.

 « La Bérane ? », c’est une colle ? Jamais entendu parler… Tu devrais lire ceci, consulter celui-ci… Machin sans aucun doute la connaît si du moins elle existe… Mais pourquoi cette question ? Eh… Elle en vaut bien une autre.

Son nom sonne et réveille la curiosité de l’enfant qui s’ennuie à l’école. Il n’écoute pas le maître. Il regarde comme hypnotisé les poussières qui volent dans ce rai de lumière qui le sépare des autres. Il rêve, le « gouyat », d’une partie de pêche et calé, confortable, le long du radiateur. Il capte vaguement le son d’une vague voix qu’il connaît par cœur, celle de l’instituteur. Celui-ci, aujourd’hui, voudrait que cet enfant fasse la différence entre une frontière naturelle et une frontière politique ? L’autre jour il prétendait lui faire comprendre que l’équateur est une ligne imaginaire ? Une autre fois encore cet homme de savoir affirmait qu’un mur du son se franchit à une certaine allure ? Que des lignes parallèles ne se rejoignent jamais et que le participe passé change de genre selon qu’il est accompagné d’être ou d’avoir ?.... Inutile de tenter d’interrompre ce puits de science qui ne convainc l’enfant que d’une seule chose : « le monde est très bizarre. Je dois donc me méfier et avancer prudent sur la route des hommes. » Sa grand-mère, sans doute avec raison, lui a indiqué le chemin de l’école ce matin, le menaçant s’il s’en écartait pour rejoindre le point d’eau où il aime pêcher de voir la Bérane émerger de la mare, dragonne ou femme en cheveux qui lui fera du mal. Cette recommandation, pour chimérique qu’elle est, a raisonné l’enfant qui s’ennuie à l’école et refuse de croire tout ce qui s’y raconte. Sa grand-mère, il la croit… Et la Bérane veille sur les trous d’eau où l’enfant prend plaisir à regarder tritons, grenouilles et salamandres, monstres tout aussi réels que peut l’être la Bérane, la gardienne des trous d’eau.

        Comment ? Mais allons donc ? La Bérane à Tourtoirac éloignait les enfants de la forêt où elle les ravissait cachée derrière un arbre ! Vraiment, sans le moindre trou d’eau où noyer les enfants désobéissants ? Non. Petit Poucet rêveur, perdu dans la forêt, y croise la Bérane, pour des heures chaudes, à croire. La légende est ancienne dit l’homme jeune aux yeux bleus dont le fils déguste les paroles. « Mon arrière-grand’ma me faisait  peur avec la Bérane. Je la connais très bien et un pincement au bas-ventre me la rappelle quand j’approche d’une mare. C’est une femme inquiétante, avec de longs cheveux… Une sorte de sirène qui vit au fond de l’eau, mais qui repousse l’enfant plutôt que de l’attirer par son chant… Pas même de queue de poisson… Son visage en colère et non moins maternel surgit de l’eau dès que l’enfant se penche. Bien évidemment, il ne peut que reculer, sauvé de la noyade. La Bérane fait peur. En cela elle est préventive quand la sirène, elle, tentatrice de talent, irrémédiablement, noie l’enfant de plaisir, amoureux de son chant. On en parle dans la région de Nontron, à l’autre bout du département… L’histoire peut venir des Charentes et avoir passé la frontière, sans qu’on y prenne garde ! »

        La Bérane ? On l’appelle tout aussi facilement la « Birane », précise l’étymologiste. Son nom vient de « virage ». Comme une dame blanche qui attend au tournant les enfants qui s’égarent… « La Bérane ? Nous vraiment je ne vois pas et pourtant périgordine depuis des générations… Tu es sûre de ce nom ? Ah mais c’est bien. Ta question me rappelle une peur d’enfant ! Périgordine, j’en atteste. La nuit de Noël, Christ donne aux bœufs la parole et ceux qui bravent l’interdit et entrent dans l’étable pour entendre ce prodige, meurent sur le champ pour être trop curieux… Elle te plaît, cette histoire ? »

Oui. Elle me plaît celle-ci, ma douce amie. Je me garderai bien de te faire remarquer que je la connais bien et qu’elle a privé de sommeil la veille de Noël, la petite fille que j’étais. Petite fille sur les genoux d’un grand-père poitevin (grand angle quand tu nous tiens) et qui la racontait tout en hochant la tête et les yeux dans le vague qui régalaient l’enfant. Le grand-père sentait fort la crasse et la petite aimait cette odeur qui convenait à l’histoire. Une odeur de peur dans les bras d’un grand-père poitevin. On naît tous quelque part. Il racontait aussi la colère de Dieu au moment des orages. Il interdisait à la petite de rire pour ne pas attirer la foudre. Elle avait le plus grand mal à réprimer ses rires, mais elle résistait avec la peur au ventre… demandant à mi-voix si Dieu est photographe pour se servir d’un flash quand sa colère gronde !

Y es-tu la Bérane ? Entends-tu la Bérane ? Et un, deux, trois, soleil ! cric-crac, chat perché ne peut pas être touché… La présence de l’enfant ne connaît pas de lieu.

Marie-Christine Cavenelle


05/03/2015
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